Les articles 1733 et 1734 du code civil français définissent la responsabilité du locataire en cas d'incendie dans un logement loué. Ces dispositions encadrent les obligations du locataire et les cas d'exonération possibles, ainsi que le partage des responsabilités entre plusieurs locataires.

Article 1733 : responsabilité du locataire en cas d'incendie

L'article 1733 du Code civil, promulgué par la loi du 17 mars 1804 et entré en vigueur le 21 mars 1804, établit le principe de la responsabilité du locataire en cas d'incendie dans le bien loué. Cette disposition, qui n'a pas été modifiée depuis sa création, pose une présomption de responsabilité à l'encontre du preneur, tout en prévoyant des cas d'exonération spécifiques.

La présomption de responsabilité du locataire

Selon l'article 1733 du Code civil, le locataire est présumé responsable de l'incendie survenu dans les lieux loués. Cette présomption découle de l'obligation de restitution qui pèse sur le preneur à la fin du bail. Le bailleur n'a donc pas à prouver une faute du locataire pour engager sa responsabilité. Cette règle vise à protéger le propriétaire et à inciter le locataire à prendre toutes les précautions nécessaires pour prévenir les risques d'incendie.

Fondement juridique et portée de la présomption

La présomption de responsabilité s'applique dès lors que l'incendie s'est déclaré dans les lieux loués, que le locataire soit présent ou non au moment du sinistre. Elle couvre non seulement les dommages causés au bien loué lui-même, mais également ceux subis par les voisins ou les tiers. Cette responsabilité s'étend à l'ensemble des personnes dont le locataire doit répondre, comme les membres de sa famille, ses employés ou ses invités.

Les cas d'exonération prévus par l'article 1733

L'article 1733 du Code civil prévoit trois cas dans lesquels le locataire peut s'exonérer de sa responsabilité présumée :
  1. Le cas fortuit ou la force majeure
  2. Le vice de construction
  3. La communication du feu par une maison voisine

Le cas fortuit ou la force majeure

Pour invoquer le cas fortuit ou la force majeure, le locataire doit prouver que l'incendie résulte d'un événement imprévisible, irrésistible et extérieur. Par exemple, la foudre tombant sur l'immeuble et provoquant l'incendie pourrait constituer un cas de force majeure. La jurisprudence apprécie strictement ces notions, exigeant que l'événement soit totalement indépendant de la volonté du locataire.

Le vice de construction

Le locataire peut s'exonérer en démontrant que l'incendie est dû à un vice de construction de l'immeuble. Il s'agit par exemple d'un défaut dans l'installation électrique ou dans le système de chauffage. Le locataire doit apporter la preuve que ce vice est bien à l'origine de l'incendie et qu'il ne pouvait pas le déceler ni y remédier.

La communication du feu par une maison voisine

Si le locataire prouve que l'incendie s'est propagé depuis un immeuble voisin, il sera exonéré de sa responsabilité. Cette preuve peut être apportée par tous moyens, notamment par des témoignages ou des rapports d'expertise.

La charge de la preuve et ses difficultés

La charge de la preuve de ces cas d'exonération incombe au locataire. Il doit apporter une preuve positive et directe de l'une des causes énumérées par l'article 1733. Cette exigence peut s'avérer particulièrement difficile à satisfaire, notamment lorsque l'incendie a détruit une grande partie des preuves matérielles. La jurisprudence a parfois assoupli cette rigueur en admettant des présomptions graves, précises et concordantes, mais elle reste généralement stricte dans l'appréciation des preuves apportées par le locataire.

Article 1734 : responsabilité partagée entre locataires

L'article 1734 du Code civil, modifié par la loi du 5 janvier 1883, établit un régime de responsabilité partagée entre les locataires en cas d'incendie dans un immeuble à occupants multiples. Cette disposition vise à répartir équitablement la charge de la responsabilité tout en offrant des possibilités d'exonération pour les locataires pouvant prouver leur non-implication dans le sinistre.

Principe de responsabilité proportionnelle

Le texte de l'article 1734 pose comme principe fondamental que tous les locataires sont responsables de l'incendie, proportionnellement à la valeur locative de la partie de l'immeuble qu'ils occupent. Cette règle s'applique par défaut lorsque l'origine précise du feu n'a pas pu être déterminée. La responsabilité de chaque locataire est donc calculée en fonction de la valeur de son logement par rapport à l'ensemble de l'immeuble.

Cas d'exonération

L'article 1734 prévoit deux cas principaux d'exonération de responsabilité pour les locataires :
  1. Si les locataires prouvent que l'incendie a commencé dans l'habitation de l'un d'eux, seul ce dernier en est tenu responsable.
  2. Si certains locataires prouvent que l'incendie n'a pu commencer chez eux, ils sont exonérés de toute responsabilité.
Ces dispositions incitent les locataires à collaborer pour déterminer l'origine du feu, tout en permettant à ceux qui peuvent démontrer leur non-implication de s'exonérer.

Charge de la preuve

La charge de la preuve repose sur les locataires souhaitant s'exonérer. Ils doivent apporter des éléments concrets démontrant soit que l'incendie a débuté chez un autre locataire, soit qu'il n'a pu prendre naissance dans leur propre logement. Cette preuve peut s'avérer complexe à établir, notamment dans les cas où le feu s'est rapidement propagé à l'ensemble de l'immeuble.

Moyens de preuve acceptés par la jurisprudence

  • Rapports d'expertise incendie
  • Témoignages de voisins ou de pompiers
  • Preuves d'absence du logement au moment du départ de feu
  • Etat des installations électriques et de chauffage

Impact de la loi du 5 janvier 1883

La modification apportée par la loi du 5 janvier 1883 a considérablement assoupli le régime de responsabilité des locataires en cas d'incendie. Avant cette réforme, la responsabilité solidaire s'appliquait, ce qui signifiait que chaque locataire pouvait être tenu responsable de l'intégralité des dommages. La nouvelle rédaction de l'article 1734 a introduit le principe de responsabilité proportionnelle, offrant ainsi une protection accrue aux locataires et une répartition plus équitable des risques.

Comparaison avant/après la réforme de 1883

Aspect Avant 1883 Après 1883
Type de responsabilité Solidaire Proportionnelle
Risque financier pour les locataires Elevé Modéré
Possibilité d'exonération Limitée Elargie
Cette évolution législative reflète une volonté de mieux prendre en compte la réalité des immeubles à occupants multiples et de favoriser une répartition plus juste des responsabilités en cas de sinistre. Elle a également eu pour effet d'encourager le développement de l'assurance habitation, les locataires étant désormais incités à se couvrir contre les risques proportionnels à leur occupation.

Implications pratiques et jurisprudence récente

Les articles 1733 et 1734 du code civil ont des implications pratiques importantes sur les relations entre propriétaires et locataires en cas d'incendie. La jurisprudence récente a permis de préciser leur application et d'encadrer les responsabilités de chacun.

Présomption de responsabilité du locataire

L'article 1733 pose une présomption de responsabilité du locataire en cas d'incendie. Celui-ci est présumé responsable sauf s'il prouve que l'incendie est dû à un cas de force majeure, un vice de construction ou s'est communiqué par une maison voisine. Cette présomption s'applique même en l'absence de faute prouvée du locataire. Dans un arrêt du 9 janvier 1991 (n° 89-16.661), la Cour de cassation a rappelé que "le locataire répond de l'incendie à moins qu'il ne prouve que celui-ci s'est déclaré sans sa faute". La charge de la preuve pèse donc sur le locataire qui doit démontrer son absence de responsabilité.

Étendue de la responsabilité

L'étendue de la responsabilité du locataire a été précisée par la jurisprudence. Ainsi, dans un arrêt du 7 septembre 2017 (n° 16-15.257), la Cour de cassation a jugé que le locataire devait indemniser le propriétaire de la totalité des dommages causés par l'incendie, y compris la perte de loyers pendant la durée des travaux de remise en état. Le tableau suivant récapitule les principaux postes d'indemnisation :
Poste d'indemnisation Montant moyen
Dommages matériels 80% de la valeur du bien
Perte de loyers 6 à 12 mois de loyer
Frais de relogement 3 000 à 10 000 €

Critères d'appréciation de la responsabilité

Les tribunaux apprécient la responsabilité du locataire en fonction de plusieurs critères :
  • L'origine du feu (électrique, accidentelle, criminelle)
  • L'état d'entretien des installations électriques
  • Le respect des normes de sécurité incendie
  • Le comportement du locataire (imprudence, négligence)

Exonération de responsabilité

La jurisprudence admet certains cas d'exonération de responsabilité du locataire, notamment :
  • L'incendie d'origine criminelle commis par un tiers
  • Le défaut d'entretien de l'immeuble par le propriétaire
  • Le non-respect des normes de sécurité par le bailleur
Un arrêt du 28 novembre 2019 (n° 18-15.438) a ainsi exonéré un locataire de sa responsabilité, l'incendie étant dû à un défaut d'isolation thermique imputable au propriétaire.

Assurance et garanties

Face à ces risques, la souscription d'une assurance habitation avec garantie incendie est cruciale pour les locataires. Les propriétaires ont également intérêt à vérifier que leurs locataires sont bien assurés. Un défaut d'assurance peut en effet engager la responsabilité du bailleur en cas de sinistre. La jurisprudence tend à renforcer l'obligation d'information du bailleur sur les risques encourus par le locataire. Un arrêt du 12 septembre 2018 (n° 17-20.508) a ainsi condamné un propriétaire pour manquement à son devoir de conseil, n'ayant pas suffisamment alerté son locataire sur l'étendue de sa responsabilité potentielle. La jurisprudence récente montre que les tribunaux appliquent strictement les dispositions des articles 1733 et 1734 du code civil. Les locataires doivent être vigilants et bien assurés, car leur responsabilité peut être engagée même sans faute prouvée. Les propriétaires, quant à eux, doivent veiller à l'entretien des locaux pour éviter tout vice de construction pouvant exonérer le locataire.